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L'homme qui disparaît
18 janvier 2018

Les J.O. de l’infamie

J’ai naguère écrit deux articles relatant chacun un enlèvement ordonné par le chef de l’État français, et commis sur le territoire d’un pays étranger, chaque fois l’Allemagne. Celui du duc d’Enghien ordonné par Bonaparte en 1803, et celui du colonel Argoud ordonné par De Gaulle en 1963. Dans les deux cas, c’était une violation flagrante des relations internationales, mais il n’y eut aucune protestation de la part du pays offensé. Or je viens de prendre connaissance, dans un livre sur le Masque de fer publié par Madeleine Tiollais en avril 2003, d’un cas similaire, ordonné par Louis XIV. Il s’agissait de l’enlèvement du comte Hercule-Antoine Mattioli, né le 1er décembre 1640 à Bologne, où il enseigna le droit, avant de devenir secrétaire d’État du duc de Mantoue, et toujours à court d’argent, donc à vendre au plus offrant. Il se trouve qu’en 1679, Louis XIV convoite depuis longtemps la citadelle de Casal (aujourd’hui Casale Monferrato), un point stratégique à la frontière italienne, dans le Piémont. Il aurait pu la conquérir par les armes car le duc de Mantoue n’avait pas une armée de la taille des armées françaises, mais il jugea plus judicieux de l’acheter au duc, et commença des négociations par l’intermédiaire de l’abbé d’Estrades, ambassadeur de France à Turin, et de Mattioli pour le duc. Elles aboutirent, si bien que Louis XIV invita Mattioli en France et le couvrit de cadeaux, un diamant et quatre cents doubles louis, plus une gratification à lui verser quand le marché serait conclu. Or, au lieu de rester discret, Mattioli, pour ramasser quelques gratifications supplémentaires, vendit le secret aux cours de Turin, de Venise et de Milan ! Voilà donc Louis XIV ridiculisé, car les autres cours d’Europe, inquiètes de voir le roi de France étendre ses places fortes militaires, font pression sur le duc de Mantoue, le contraignant à annuler le marché. Louis XIV décide alors de faire arrêter Mattioli, qui avait prudemment mis la frontière entre lui-même et le roi de France. Il eut recours à l’ambassadeur de France, l’abbé d’Estrades, lui aussi mécontent d’avoir été utilisé, et il laissa entendre que Catinat, futur maréchal de France, alors commandant de la forteresse de Pignerol, proche de Casal, aurait une grosse somme d’agent à remettre à Mattioli. Ce dernier tomba bêtement dans le panneau, se rendit au rendez-vous, fut arrêté, incarcéré à Pignerol sous un nom d’emprunt, dont il ne sortit plus jamais. Et il ne fut jamais jugé non plus. Ainsi donc, Louis XIV a précédé Bonaparte et De Gaulle dans l’infamie consistant à enlever un personnage gênant sur un territoire étranger. De ces trois champions du respect des droits, lequel a votre préférence pour monter sur le podium ? Pour ma part, je placerais Bonaparte en position de recevoir la médaille d’or à ces Jeux Olympiques d’un nouveau genre, car lui a fait mettre à mort son invité involontaire. C’était un plus, comme on dit aujourd’hui.

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